Eau qui sommeil, je t’observe. Je t’écoute respirer au cœur de la forêt.
Comme toi, entre les arbres je me faufile. Petite rivière où finira ta balade.
Sous le soleil de printemps, je te suis, nous marchons ensemble,
j’aime ta compagnie et avec toi, je pars.
Il fait chaud, la brise fait danser les feuilles des peupliers, le sable frémit sous la caresse de l'eau. Le fleuve, dans son inlassable fuite vers l'océan, semble emporter le temps.
Je suis seul sur cette île, à l'abri de l'agitation d'une civilisation qui ne sait plus après quoi elle court. Dans cet oasis, je respire la sérénité comme un souffle d'air pur.
Sur les flots, un groupe de canards s'étonnent de ma présence et dérivent silencieusement.
Soudain, le paysage qui somnolait s'éveille. Des rides apparaissent sur l'eau et les feuilles qui dansaient se mettent à chanter. Puis les arbres eux-mêmes ne peuvent s'empêcher de tanguer au rythme de la mélodie.
L'heure est à la fête.
A quelques mètres devant moi, échouée sur le rivage, la planche à voile m'attend...
Flotte tendre douceur
Laisse toi bercer par les vagues
Le cœur navigue au gré des lames
De l'écume et des vents porteurs
C’est étonnant à quel point l’on
peut se croire le centre de l’univers, prisonnié d’une enveloppe
charnelle, d’angoisses en tout genre. Pourquoi avons-nous cette conviction de devoir subir notre condition d’humain dans une
seule personne ? Certes nos sensations proviennent d’un seul corps :
lorsque l’on se brûle, c’est nous qui souffrons, pas le voisin.
Pourtant, nous pouvons imaginer ce que ressent autrui. Peut-on nous
évader de notre simple expérience sensorielle et embrasser une
conscience plus large ? Notre esprit peut-il envisager de ressentir
d’autres expériences que celle qui nous semble avoir été livrée
d’office avec un nom, un prénom et une histoire à écrire à la 1ère
personne ? Bien sûr nous avons un libre-arbitre, mais limité par nos
capacités physiques, nos émotions, nos préjugés, nos certitudes et de
toute cette carapace construite jour après jour pour nous protéger
de l’ « extérieur ». La prison ne serait-elle pas finalement notre
œuvre ? Cette personnalité que l’on prend soin de rendre
présentable, voire séduisante, que nous ne cessons de solidifier,
perfectionner et d’affirmer.
Toutes ces tâches qui nous obnubilent pendant notre existence, sont
autant de chaînes que je souhaite maintenant briser. L’esprit
libéré, le barrage rompu, c’est dans l’état fluide que je rêve
d’embrasser le monde, tel un torrent dévalant la montagne pour
s’aventurer dans mille contrées, rencontrer mille affluents et
voyager ensemble au cours du fleuve. Là-bas, en aval, tout au bout,
on dit qu’il y a l’océan et qu’il est grand comme l’éternité.