Pourquoi ressentons-nous les choses et pourquoi notre cerveau ne se contente pas de leur analyse ? Il n’y a à priori pas d’intérêt évolutionniste à l'apparition de la conscience.
Sèvres, jeudi 23 juillet 2020
Ils en débatent... Interview complète | François Kammerer - Sommes-nous tous des zombies ?
Pour expliquer le monde, on tente souvent une approche consistant à partir du néant, état que l'on estime le plus "naturel" car le plus simple, invoquer une série d'événements qui auraient engendré la vie. Je propose une hypothèse inverse où l'état le plus "naturel" serait en quelque sorte le Tout, où tout existerait par nature, et la vie serait une des possibilités parmi une infinité. Nous existons dans ce monde là car c'est celui qui a enfanté la conscience.
Gentilly, 25 juin 2019
Imaginez une ville, Paris par exemple
Vous habitez en proche banlieue
Votre voisin est votre père à l’âge où il vous a conçu
Son voisin est votre grand-père à l’âge où il a conçu votre père
Et ainsi de suite...
La ville est donc peuplée uniquement par vos ancêtres
Plus vous vous approchez du centre de la capitale
Plus vous remontez le temps
Imaginez les rencontres que vous allez faire...
Quels aspects auront les habitants en bord de Seine ?
Votre ascendant après 2 millions de générations ?
Vous vous promenez dans le quartier Montparnasse
Ce sont des hommes singes qui déambulent
Chacun d’eux est votre arrière arrière… arrière grand père
Vous poursuivez votre voyage vers les quais de Seine
Il n’y a plus de bipèdes ici
Une foule de petits mammifères grouille le long des berges
Ce sont toujours vos arrières arrières… arrières grands pères
Vous vous approchez de la cathédrale Notre-Dame
Le silence, plus personne, plus d’animaux qui courent dans les rues
Au pont au
Double, vous distinguez une silhouette sur le parapet
En bas, sous les eaux, d’innombrables poissons aux allures étranges
Ce sont toujours bel et bien vos arrières arrières… arrières grands pères
Vous vous dirigez vers la personne d'apparence plutôt jeune mais vêtue à l'ancienne et
bientôt la reconnaissez :
Un de vos voisins de pallier. Il figure même dans un de vos vieux albums photo
Il est tranquillement assis entrain de pêcher
L'homme ne dit rien. Puis il chuchote : "c'est vrai que l'on doit me prendre pour un
cannibale mais je ne menace pas l'espèce. Chaque créature que je capture a eu le temps
d'avoir un fils"
- Et vous jeune homme, que faîtes-vous si loin de chez vous ?
- Je cherche à rencontrer mes ascendants, à leur donner un visage
- Bonne route alors, vous êtes bientôt arrivé
Vous entrez dans la Cathédrale, immense et vide
Il n’y a plus personne, il n’y a plus rien
Plus rien que le souffle de votre respiration
Et vous l’imaginez, dans la coupe sur l'autel,
Votre arrière arrière… arrière grand père
Pourquoi suis-je habillé avec un costume humain dans ce théâtre cosmique ?
La Terre : une fleur dans le désert ? un brin d’herbe dans la vallée ?
L’automobiliste : - Pourquoi marches-tu ?
Le fou : - Je me balade au gré du vent
Loin des idées
Loin des jugements
Balade au royaume des sens
Voyage en innocence
L’automobiliste : - C’est loin ? J’ai plus d’essence
Et si la raison servait plus
à justifier nos choix
qu'à les déterminer ?
(inspirée de « La bibliothèque de Babel » de Jorge
Luis Borgès)
Automne 2002, dans un appartement près de Montparnasse, un ami, Jean S.
cherche le sens de la vie. Il a une idée. Avec un langage informatique
il compose un programme capable de générer toutes les combinaisons de
suites de 2000 caractères. Les caractères peuvent être des lettres,
chiffres, signes de ponctuations sans oublier l’espace. Il imprime
chacune de ces successions de symboles sur une page. Cela prend énormément
de temps et beaucoup d’encre… Les feuilles s’entassent dans le
bureau, débordent dans la chambre jusqu’aux pieds des toilettes.
Enfin la dernière impression. La 30 puissance 2000 ème environ.
L’homme s’illumine. Sous ses yeux, noyée sous un amas de papier, la
réponse à son interrogation métaphysique attend d’être lue.
A cette heure, il y a chez monsieur S., dans l’indifférence générale,
un texte qui explique la naissance du monde, les secrets de la vie. Ne
compter pas sur moi pour vous livrer l’adresse exacte de notre homme.
Je peux juste vous dire, que la page en question n’a pas encore été
trouvée. En attendant, que de surprises. L’autre samedi, il m’a
raconté être tombé sur un extrait du « Dictionnaire Superflu » de
Pierre Desproges. Quelques fautes d’orthographes et mots incohérents,
mais c’était bien la plume de l’humoriste ! Le lendemain, c’est
un passage des aventures de Don Quichotte écrit par l’ordinateur.
Depuis, monsieur S. cherche les autres pages du roman pour compléter sa
bibliothèque. Mardi, coup de téléphone, mon ami a découvert un texte
dans un anglais approximatif contant le mariage d’un certain Lionel J.
avec une demoiselle venue d’Uranus. Pour être honnête, la plupart
des textes sont incompréhensibles, peut-être écrit dans une langue
mystérieuse ou pas encore inventée. Quelque fois un mot français,
anglais, allemand échappe au chaos. C’est une chance de trouver une
phrase intelligible, et presque un miracle de lire un paragraphe
complet. Mais ce n’est qu’une question de temps puisque chez
monsieur S. figure toutes les pages et donc les livres qui ont été écrit
depuis l’invention de l’alphabet et tous ceux qui restent à écrire.
Depuis, monsieur S. continue son travail de tri devant la cheminée. Un
carton pour les articles scientifiques, un pour les textes religieux, un
autre pour les pages de roman... Quant à la grande majorité, elle
voyage en fumée au-dessus des toits de Paris.
Avec ce texte.
L’hiver est tenace, la neige virevolte autour du lampadaire. J’aime bien regarder la neige s’inviter dans la ville. C’est marrant, on a l’impression qu’elle tombe seulement sur le lampadaire, attirée par la lumière comme une star. Ce phénomène m’interpelle sur la nature de nos interprétations du monde. On croit ce que l’on voit. Mais ce que l’on ne voit pas peut exister. Les flocons n’ont probablement pas choisi ce magnifique lampadaire comme unique compagnon. Le monde est certainement infiniment plus grand, plus riche, plus mystérieux que pourrait l'espérer notre esprit. Le lampadaire une conscience, chaque flocon un univers.
Claude Imbert par Eric Teyssie
Comme souvent quand je lis un éditorial de Claude Imbert, je ne peux pas dormir. Du coup, j'écris. Claude Imbert est un éditorialiste du Point. C'est un peu comme un peintre de paysages politiques, de scènes économiques. Il livre sa sensibilité avec son style, ses couleurs, marie nuances de tons, envolées lyriques, et caricature. Claude Imbert est un artiste et j'aime son talent. C'est pour cela qu'il m'arrive de contempler ses éditoriaux. On pourrait presque dire que je partage ses idées ou plutôt ses constats car monsieur Imbert est en fait un photographe. Il ne propose rien, il observe. Ses clichés ont des tonalités froides, bleutés, un caractère cynique et celui de ce matin particulièrement cru. La fin des états providence. La fin du rose, la victoire par forfait du bleu. Le tsunami de la mondialisation économique répand les effets du dumping social jusqu'à nous, pauvres français. Monsieur Imbert jubile, l'idéal socialiste gaulois n'est plus que ruines auxquelles s'accrochent encore quelques nostalgiques. La gauche, l'exception française, la bâtisseuse du modèle social, c'est du passé. Et la droite alors ? La droite est moderne, décomplexée et assume la responsabilité de sa logique financière dans la crise. Là, je ne comprends plus monsieur Imbert. Comment peut-on applaudir les démolisseurs ? Je ne comprends plus la politique alors même que je commençais à m'y intéresser. C'est peut-être le fameux clivage gauche droite qui est périmé. L'argent devient le moteur du monde, ce n'est plus seulement le carburant. Le vrai conducteur n'est plus le politique, c'est le consommateur. Le citoyen, c'était avant, dans l'autre monde. Le pouvoir ne germe plus uniquement des urnes, il se construit au quotidien, dans nos choix de consommateur. Certains scandent "travailler plus pour gagner plus". Moi ce soir, dans l'euphorie qui succède souvent la lecture des éditoriaux de Claude Imbert, je proclame "consommer moins pour consommer mieux". Merde au dumping social. Vive le développement durable, quête du 21ème siècle pour humains en mal d'idéal. D'accord docteur, je vais me coucher.
mercredi 9 juin 2010